Hitchcock a traversé la galaxie cinéma en laissant derrière lui une œuvre considérable qui a profondément marqué le 7ème art. Tout au long de sa carrière, il n'a cessé d'innover, de prendre des risques, de faire preuve d'une ingéniosité sans limites qui lui a permis de relever les défis les plus difficiles. Il n'a pratiquement jamais renoncé à une idée pour cause de trop grande difficulté. Sa parfaite maîtrise de toutes les techniques liées à son art lui a toujours indiqué la voie à suivre.
Voici un inventaire non exhaustif de certaines de ses plus grandes inventions, trouvailles ou ingéniosités dont la plupart restent bien des années après totalement actuelles.
Meurtre et Mary : deux films pour un seul.
Le cinéma parlant n'étant encore qu'à ses débuts au moment du tournage de Meurtre, la technique était rudimentaire. La post-synchronisation restait à inventer et de ce fait le doublage n'existait pas. Un film ne pouvait s'exporter dans un pays de langue différente, c'est donc ainsi que pour permettre à son film tourné en anglais de connaître une carrière en Allemagne qui était alors une place forte du cinéma, Hitchcock a mutualisé une bonne partie des plans et n'a tourné avec des acteurs de langue allemande que les scènes avec dialogues, utilisant les mêmes plans muets pour les deux versions. Meurtre est donc devenu un deuxième film, intitulé Mary et diffusé en langue allemande. Nora Baring a été remplacée par Olga Tschechowa et Sir John Menier par Alfred Abel, le méchant n'étant plus joué par Esme Percy mais par Ekkehard Arendt.
L'Homme qui en savait trop : auto-remake.
Bien que la première version de L'Homme qui en savait trop sortie en 1934 a été un succès dont Hitchcock a toujours parlé avec une certaine fierté, il a très vite après son arrivée à Hollywood, envisagé d'en tourner un remake. Il aimait l'intrigue et pensait pouvoir en tirer plus en étoffant l'histoire, fort des moyens supérieurs dont il disposait. Ce fut donc chose faite avec ce remake. C'est rarissime qu'un metteur en scène tourne une nouvelle version d'un film qu'il a déjà réalisé plusieurs années auparavant mais Hitchcock a prouvé à de nombreuses reprises qu'il n'était pas un cinéaste comme les autres…
Pour en savoir plus : Les films qui ont fait sa légende (2)
Le Rideau déchiré : c'est très difficile de tuer un homme.
Pour son cinquantième film, Hitchcock a encore réussi à faire preuve d'originalité. Il a voulu montrer combien il pouvait être long et difficile de tuer un homme lorsque les circonstances ne s'y prêtent pas et en ne pouvant utiliser que les seuls moyens disponibles. Lorsque le Professeur Armstrong se trouve chez le couple de fermiers complices de son organisation est démasqué par Gromek son "aimable guide", il n'a d'autre solution que de s'en débarrasser de manière radicale. Le seul problème est la façon d'y parvenir. Alors que Gromek est sur le point de téléphoner pour dénoncer Armstrong, la femme lance dans sa direction une casserole pleine mais rate sa cible, le mettant en fureur. Un de ses acolytes se trouve dehors, ce qui rend impossible l'utilisation de son revolver récupéré par la fermière. Armstrong tente alors de l'étrangler puis la femme lui plante un couteau à la base du cou mais celui-ci se casse (on notera au passage le clin d'œil malicieux d'Hitchcock à la camelote supposée être produite dans les pays de l'Est). Bien que blessé, Gromek super entraîné résiste et finit par prendre le dessus sur Armstrong. Pour tenter d'inverser la tendance, la femme lui donne de grands coups de pelle dans les jambes ce qui le fait tomber mais malgré tout il ne lâche pas et Armstrong suffoque sous l'emprise de son adversaire. En désespoir de cause, la fermière parvient à grand-peine à tirer Gromek sur le sol pour lui mettre la tête dans le four afin de l'asphyxier avec le gaz. Ce n'est qu'après tous ces efforts qu'ils parviendront à se débarrasser de cet adversaire plutôt coriace.
Les apparitions : où se cache Hitchcock ?
Parmi toutes les particularités qui émaillent la carrière d'Hitchcock, la plus célèbre d'entre toutes est le petit jeu qui consistait à le repérer dans ses films. Ces apparitions sont encore aujourd'hui un centre d'intérêt majeur pour bien des cinéphiles. Tout d'abord dans un but économique au début de sa carrière, il faisait alors office de figurant, cette pratique est peu à peu devenue un attrait pour le public mais aussi une contrainte pour le cinéaste. A chaque nouveau film, les spectateurs cherchaient avec attention où ils pouvaient repérer la silhouette si particulière d'Hitchcock. S'il s'est prêté avec plaisir à ce petit jeu qu'il avait lui-même instauré, le réalisateur y a progressivement vu une contrainte qui pouvait également devenir un casse-tête. Il l'a maintenue malgré tout jusqu'à son dernier film car les spectateurs n'auraient pas compris qu'il ne maintienne pas cette tradition. Il est le seul cinéaste à avoir ainsi participé de façon systématique à ses films, son apparence reconnaissable entre toutes et son goût prononcé pour les blagues y sont sans doute pour beaucoup.
Voir toutes ses apparitions détaillées : Les apparitions en images
Les séries TV : le succès du grand au petit écran.
Alors qu'il surfait sur une série de succès sur grand écran, Hitchcock s'est laissé convaincre par son ami et producteur Lew Wasserman que ce succès était facilement transposable à la télévision compte tenu de la notoriété sans cesse grandissante du metteur en scène. C'est ainsi que naquit la série "Alfred Hitchcock présente" dont le 1er épisode a été diffusé le 2 octobre 1955. Une des trouvailles a été de faire présenter par Hitch lui-même la totalité des épisodes grâce à des petits sketches drôles et bien écrits, même s'il n'a réalisé personnellement que 17 de ces 270 téléfilms. Cette série a très vite reçu l'adhésion du public et son succès ne s'est jamais démenti, à tel point qu'après 7 années de diffusion, le format passa d'une demi-heure à une heure sous le titre de "The Alfred Hitchcock hour". En plus de ses propres séries télévisées, Hitchcock a également fait 2 "piges" pour d'autres séries : Pris au piège pour la série "Suspision" (Soupçon) ainsi que Incident au carrefour pour le compte de "Ford Startime". Aucun metteur en scène n’osait à cette époque se risquer à brouiller son image en "s'abaissant" à tourner pour la télévision. Hitchcock a été un précurseur car la frontière entre cinéma et télévision était souvent infranchissable. Il a été suivi par la suite par de prestigieux homologues, citons entre autres : Lars Von Trier (The Kingdom), Michael Mann (Deux flics à Miami) ou encore David Lynch (Twin Peaks)… Une fois encore, Hitchcock n’a pas hésité à prendre des risques, somme toute limités dans ce cas, mais il y a largement trouvé son compte puisque ce succès sur petit écran a profondément contribué à sa célébrité et à sa fortune…
Voir tous ses téléfilms détaillés : Hitchcock à la télévision
Les Cheveux d'or : le son par l'image.
Aux débuts de la carrière d'Hitchcock et pour ce qui est son premier film vraiment personnel, le cinéma n'était pas encore parlant aussi, afin de simuler le bruit des pas effectués par le mystérieux locataire, le metteur en scène eut l'idée de faire construire un plafond en verre sur lequel Ivor Novello faisait les 100 pas, accentuant son côté obscur. De cette manière, le spectateur comprenait tout de suite les raisons du regard inquiet des propriétaires.
Il faut bien se remettre dans le contexte de l'époque pour juger de la performance. Le cinéma n'avait que quelques années d'existence et les effets spéciaux n'en étaient encore qu'à leurs balbutiements.
Jeune et innocent, Les Enchaînés, Frenzy : des travellings vertigineux.
Jeune et innocent tourné en 1937 et Les Enchaînés, neuf ans plus tard, comportent un plan pratiquement similaire, du moins dans la technique. Il s'agit d'un travelling impressionnant qui dans chacun des cas survole toute l'assemblée pour se focaliser sur un détail déterminant pour l'intrigue. Le mouvement de caméra est limpide et sans la moindre coupure, une véritable prouesse compte tenu de la distance.
Dans Jeune et innocent, la caméra part de la table où se trouvent Erica et le vieux Will, passe au dessus de tous les clients de la salle de bal puis s'approche progressivement du batteur de l'orchestre, grimé en Noir comme tous ses collègues. La mise au point s'effectue sur les yeux du musicien qui se mettent soudain à être pris de clignements qui le trahissent.
Dans Les Enchaînés, la mécanique est la même, partant de l'escalier de la maison, la caméra survole le hall fourmillant d'invités pour aller se focaliser sur la paume de la main d'Alicia qui renferme la clé permettant d'accéder à la cave maintenue jalousement fermée par Sebastian.
Pour Frenzy, son avant-dernier film, Hitchcock a cette fois effectué la démarche inverse avec un travelling arrière. La caméra part du corps de la femme étranglée pour descendre les escaliers et se retrouver dans la rue. Là encore, aucune coupure, les murs et la portes s'étant dérobés comme par magie.
Pour en savoir plus : Les films qui ont fait sa légende (1)
Pour en savoir plus : Les films qui ont fait sa légende (2)
Correspondant 17 : un crash spectaculaire.
Hitchcock a toujours aimé être un précurseur en matière d'effets spéciaux. Dans Correspondant 17 tourné en 1940 (il est important là encore de se placer dans le contexte), la scène du crash de l'avion à la fin du film a demandé pas mal d'ingéniosité. L'action était filmée depuis l'intérieur du cockpit, ce qui a augmenté la difficulté. Lorsque l'avion est censé plonger dans la mer, un immense film en plastique transparent est déchiré par les machinistes, libérant par la même occasion la grande quantité d'eau retenue derrière. De ce fait, l'illusion de l'envahissement par l'eau est parfaitement rendue, comme si l'avion avait véritablement sombré et était submergé.
Lifeboat : caméra embarquée.
Lifeboat a été un défi majeur dans l'œuvre d'Hitchcock. Même si le film n'a pas eu le succès espéré et est aujourd'hui tombé dans l'oubli, il n'en demeure pas moins une formidable réalisation qui a engendré des conditions de tournage dantesques.
Le parti pris était en effet de situer tout le film à bord d'un simple canot de sauvetage rempli de 8 passagers et sans que jamais la caméra n'en sorte.
On imagine aisément les contraintes liées à cet espace restreint, le tournage s'étant déroulé dans un grand bassin avec les images du décor projetées en arrière plan.
Bien que le film soit surtout axé sur les relations entre les différents personnages, on ne peut rester insensible aux prouesses déployées pour retranscrire ce lieu unique à l'écran. Le résultat est tout à fait convainquant mais les critiques de l'époque ont totalement occulté cet aspect technique pour ne retenir que le caractère supposé polémique du sujet. La méconnaissance du public pour ce film amplifiée par le mépris des télévisions pour le faire découvrir y trouve une partie de son origine.
Le Faux coupable : vrai et faux réunis.
Ce plan qui permet de révéler la vraie identité du coupable des vols au sujet desquels Manny Ballestrero est injustement accusé, est une formidable trouvaille qui nous permet de comprendre en quelques secondes les raisons ayant conduit à la confusion. La ressemblance est en effet saisissante entre les 2 hommes dont les visages présentent les mêmes caractéristiques. La superposition progressive du visage de Daniell le vrai coupable qui vient se caler sur celui de Manny Ballestrero est une parfaite réussite.
Pour en savoir plus : Les films qui ont fait sa légende (2)
Chantage : le cinéma qui parle.
Sorti tout d'abord en version muette, Chantage est peu après devenu le 1er film parlant anglais. Une bonne partie des scènes, bien que filmées à l'origine entièrement sous forme muette ont été retournées en y incluant le son qui venait de faire son apparition dans le cinéma. Hitchcock avait anticipé cette arrivée qui était imminente et de nombreux plans ont de ce fait pu être conservés. Malgré quelques soucis liés à l'accent autrichien très prononcé de l'actrice vedette Anny Ondra, qui a nécessité son doublage en direct (par Joan Barry qui interprétera plus tard le rôle féminin dans Jeune et innocent) pendant qu'elle mimait les dialogues en play-back, le résultat est convainquant.
La Maison du Dr Edwardes : le 1er film psy.
Alors sous contrat avec David Selznick, Hitchcock a été fortement incité par ce dernier à réaliser un film ayant un lien avec la psychanalyse. Selznick suivait une psychothérapie depuis plusieurs mois et était passionné par le sujet, il réussit donc à persuader Hitchcock. Le résultat n'est pas totalement convainquant mais La Maison du Dr Edwardes restera malgré tout comme le 1er film ayant pour sujet le milieu de la psychanalyse. On y voit un médecin psychiatre interprété par Ingrid Bergman tomber amoureuse et percer le secret des névroses dont souffre un homme (Gregory Peck) se faisant passer lui-même pour un médecin.
Le Crime était presque parfait : la 3D naissante.
Au début des années cinquante, le cinéma a commencé à souffrir de la concurrence de la télévision qui entrait dans un nombre de foyers toujours plus important. L'industrie cinématographique a donc essayé de réagir en proposant du neuf, susceptible de faire revenir les spectateurs dans les salles. C'est ainsi qu'un nouveau procédé a été mis au point de façon à diffuser une image en 3D qui permettait de restituer le relief sur l'écran. Pour ce faire, deux images étaient projetées simultanément, ce qui nécessitait donc l'utilisation d'une caméra spéciale pour le tournage. Par ailleurs pour la diffusion, les deux projecteurs étaient mobilisés en même temps, ce qui rendait indispensable un entracte au milieu du film pour permettre de changer les bobines. Le problème majeur de cette technique était qu'elle rendait indispensable au spectateur l'utilisation de lunettes bicolores fournies avec l'achat du billet mais qui avaient l'immense inconvénient de donner de violentes migraines. Au final, cette technique est très vite passée de mode et peu d'exploitants ont pris la peine de proposer la diffusion du film en 3D. Le tournage laissa un très mauvais souvenir à Hitchcock en raison notamment des difficultés liées aux contraintes de déplacement de l'énorme caméra qui, de plus, nécessitait des scènes statiques avec une action limitée.
Pour en savoir plus : Les films qui ont fait sa légende (1)
Psychose : un triomphe low cost.
Hitchcock tenait absolument à réaliser ce film malgré le refus des producteurs de le financer. Passant outre cette défection, le réalisateur a décidé de monter seul le projet en assumant tous les risques d'un éventuel échec. Sa fortune personnelle était conséquente après plusieurs succès très lucratifs mais malgré tout il n'avait bien entendu pas les moyens d'une "major" et a donc trouvé un accord avec Paramount qui distribuerait le film. Ce dernier a dû se faire avec un budget réduit fixé à 800 000 $, bien loin des 4,2 millions qu'a couté La Mort aux trousses son film précédent. De ce fait, le tournage s'est effectué avec la technique et les moyens des téléfilms de la série "Alfred Hitchcock présente" qui remportait un gros succès sur le petit écran. Vera Miles sous contrat mais sous employée en raison de la rancœur cultivée par Hitchcock suite aux déboires liés à Sueurs froides a été enrôlée, autant qu'elle travaille en compensation du salaire qui de toute façon lui était versé. Le challenge d'Hitchcock était de faire mieux que les nombreux films de série B qui florissaient à l'époque, des nanars à moindre coût mais qui rapportaient de substantiels bénéfices. Le résultat a été obtenu plus qu'espéré, Hitchcock a décroché le jackpot car Psychose a été un triomphe mondial qui a multiplié la mise initiale plus qu'on ne peut l'imaginer. Il est peut-être le film le plus rentable de toute l'histoire cinématographique.
Pour en savoir plus : Les films qui ont fait sa légende (2)
Hitchcock : plus qu'un nom, une marque !
Hitchcock a toujours eu un sens très affûté de la publicité. Il n'hésitait jamais à user de tous les moyens pour promouvoir ses films ou entretenir son image auprès du public. Il a été, et de loin, le réalisateur le plus célèbre et reconnu de sa génération. Il est donc logique, bien qu'exceptionnel, que cette image si familière soit déclinée en ce qui ne s'appelait pas encore des "produits dérivés" mais qui y ressemblait trait pour trait. Conscient que son nom était synonyme de suspense et d'angoisse, Hitchcock a tout naturellement cédé aux sirènes du marketing et a donc "loué" son nom afin qu'il serve de tremplin à des revues, des recueils de nouvelles plus ou moins macabres, des livres pour adolescents, des disques d’histoires de fantôme et même des jeux de société ! Plus de 20 ans après sa mort, un jeu vidéo a même été édité et a connu un grand succès ! Le point commun de tous ces articles était leur rapport avec le suspense, le mystère ou l'angoisse. Bien entendu, le nom d'Hitchcock était toujours mis en avant et bien visible, souvent accompagné de son profil si reconnaissable. Le succès ne s'est pas démenti durant de très longues années et certains livres sont toujours disponibles. Ne nous y trompons pas, Hitchcock n'a jamais écrit la moindre ligne de toutes les histoires parues, tout au plus avait-il un droit de regard sur la publication et sur le choix de ce qu'il voulait voir associé à son nom. C'était une fois encore une manière de profiter de sa notoriété pour faire gonfler son compte en banque avec des royalties loin d'être négligeables. Cette célébrité sans égale pour un réalisateur de films, surtout à cette époque où la médiatisation n'avait rien à voir avec ce qu'elle est aujourd'hui, fait elle aussi d'Hitchcock un cas à part.
Soupçons : une idée lumineuse.
Lorsque Johnny Aysgath monte un verre de lait à son épouse alitée, Hitchcock tenait absolument à ce que l'attention du spectateur soit focalisée sur ce fameux verre. Il était susceptible d'être empoisonné et devait donc paraître très inquiétant. Le cinéaste eut donc l'idée lumineuse, c'est le cas de le dire, de placer directement à l'intérieur du verre une petite lampe qui le rendait d'une blancheur éclatante. Le contraste avec la pénombre régnant dans les escaliers qui mènent à la chambre à coucher ne peut qu'attirer l'œil et renforcer l'attrait du spectateur.
Pour en savoir plus : Les films qui ont fait sa légende (1)
Les Enchaînés : un baiser en pointillés.
Lors du tournage des Enchaînés en 1945, la censure américaine est intraitable sur tout ce qui peut porter atteinte aux bonnes mœurs de l'époque. Il n'était pas concevable de voir un couple s'embrasser à l'écran durant une longue période. La limite tolérée par le très puritain code Hayes est de ne pas montrer de baisers excessifs ou lascifs.
Pourtant si l'on regarde la scène durant laquelle Cary Grant et Ingrid Bergman s'enlacent et s'embrassent sur le balcon de l'appartement, on peut remarquer qu’elle dure 2 minutes 30. Ce vieux renard d'Hitchcock, rompu aux joutes avec les censeurs inflexibles, a malicieusement déjoué le piège en filmant une multitude de baisers et d’enlacements ne durant que quelques secondes mais qui, cumulés les uns aux autres donnent l'illusion d'un baiser ininterrompu et très sensuel.
Pour en savoir plus : Les films qui ont fait sa légende (1)
La Corde : une scène ininterrompue.
De tous les défis techniques relevés par Hitchcock au cours de sa carrière, La Corde est sans doute le plus insensé. Vouloir tourner un film dans la continuité, sans interruption dans l'action relevait de la gageure. Comme il était prévisible, les difficultés ont été immenses car chaque plan durait le temps d'une bobine de film soit dix minutes, filmées sans aucun raccord. Au total huit plans raccordés de façon invisible en utilisant un élément statique pour la transition entre eux ont été montés.
Les impératifs pour que tout soit crédible étaient innombrables.
Le tournage nécessita un décor spécial dont tous les éléments, murs compris, étaient escamotables dans le plus grand silence. Une ville était entièrement reconstituée en arrière plan ainsi que tous les éclairages et les mouvements des nuages qui évoluaient suivant le changement de la luminosité.
Tous ces impératifs techniques compliquèrent singulièrement les mouvements de caméra et surtout le jeu des acteurs et leurs déplacements. Tout était préparé dans les moindres détails et longuement répété mais il suffisait d'une petite erreur de texte, d'un bruit inattendu ou d'un accessoire non remis à sa place pour que toute la scène soit inutilisable et bonne à retourner… Les nerfs des acteurs ont donc été mis à rude épreuve, seul Hitchcock en bon Britannique conservait son flegme habituel.
Le résultat a été techniquement une parfaite réussite dont on ne mesure pas vraiment la difficulté en voyant le film. Hélas, le succès très mitigé n'a pas récompensé l'immense talent d'Hitchcock qui avait su comme toujours, planifier et surmonter les pires écueils.
La Mort aux trousses : la naissance du film d'action.
Ce film est l'aboutissement de ce qu'Hitchcock avait déjà réalisé avec Les 39 marches en 1935 puis Cinquième colonne en 1942. Un concentré d'actions qui s'enchaînent à un rythme soutenu sans que l'attention du spectateur ne se relâche. Rien d'autre que le film d'action dans toute sa substance. La Mort aux trousses n'est bien entendu pas le premier film à inclure de l'action dans son intrigue mais il est le premier à orchestrer toute l'histoire autour des péripéties du héros. Il a ouvert la voie à tous les blockbusters qui aujourd'hui encore remplissent les salles obscures, à commencer par le plus célèbre de tous : la série des "James Bond".
Pour en savoir plus : Les films qui ont fait sa légende (2)